La Rédaction de "la République" nous a demandé de faire une chronique qui paraît tout l'été dans les pages "vacances" du journal, au rythme d'un texte environ par semaine.
Cette chronique à le même titre que ce message. Il s'agit donc d'écrire sur les 5 sens traditionnels, ainsi que sur trois autres caractérisquetiques du Bérn et des béarnais : le sens de l'équilibre (des choses), le sens des autres et le sens de l'histoire...
A ce jour quatre textes sont parus, vous pouvez les lire ci-dessous :
Au plaisir des yeux !
Christian Garrabos
De quelque manière que l’on entre en Béarn, par l’un des points cardinaux ou même par avion, notre regard est ébloui par la beauté du spectacle de nos montagnes et de nos campagnes.
Dès la pointe de l’aube aux ors du couchant, les Pyrénées s’exposent lascivement en mille et un panoramas. Il suffit d’arriver au sommet d’un raidillon pour voir s’étendre d’une part, une longue plaine parsemée des clochers ornant chaque village et, de l’autre, le moutonnement des coteaux colorés de toutes les teintes de vert, montant peu à peu vers la barrière rocheuse. Au détour d’un virage, c’est Jean-Pierre, le Pic du Midi d’Ossau, qui surgit de la roche tel le museau d’un orque, figé. Est-ce pour avoir voulu capturer de sa gueule le soleil à son zénith ? Plus loin, ailleurs, sur le chemin Henri IV ; sur la route d’Oloron, à Belair ; en grimpant dans l’une de nos vallées ou suivant un sentier de randonnée, en montant sur les hauteurs d’Aussurucq ou humant l’air des précipices avec le petit train d’Artouste ; ou de plus loin, dès Garlin, les vues de carte postale s’accumulent.
En grand panoramique ou en zoom plus ciblé, nous pouvons admirer des perspectives toujours différentes de notre Béarn qui ne se fait plat que pour mieux faire rebondir ses rotondités. Prenez-le dès potron-minet et regardez-le jusqu’à l’extinction du jour, à chaque instant il vous surprend par une teinte subtile, une ombre inattendue, un paysage singulier. Ne vous en lassez pas !
Mais, si le Béarn sait se faire grandiose, il peut être tout autant discret. Un œil observateur va y trouver des centaines de trésors. Dans la fraîcheur de nos villages, la double pente des toits protège des maisons du XVIIème qui s’abreuvent d’une minuscule fontaine. Les fleurs de montagnes, la course d’un isard, la sérénité d’un lac, ou la lente progression des moutons et bovins dans leurs pâtures, satisfont les regards plus paisibles. Tandis que l’animation d’un marché à Arudy, Nay ou Bedous apporte à nos yeux l’appétence de mets chatoyants.
Et, pour finir la journée, venez avec nous, à Pau, sur le Boulevard goûter des palmiers sur un fond de Pyrénées aux teintes de hyacinthes. De ce balcon, regardons ensemble le vol des hirondelles puis s’éteindre les lueurs fauves de notre « Beth cèu de Pau ».
Le goût, simple et savoureux…
Passer dans nos marchés béarnais constitue un régal pour l’oeil, avant qu’il ne le soit pour les papilles. Les étals des volaillers et charcutiers, en particulier, regorgent de mets caractéristiques de notre gastronomie. Saucissons, andouilles, boudins, confits divers, foies gras, rillettes, jambons… se balancent en stalactites ou s’exposent en vitrine.
Le Béarn a déployé une gastronomie de terroir surtout portée sur l’exploitation des produits de la ferme. Simple, certes, mais le goût n’est-il pas la richesse des pauvres ? Ce goût a décuplé les occasions de faire des confits. Un confit de canard accompagné de pommes rissolées à l’ail, n’est-ce pas un met de roi de campagne. L’onctuosité et la finesse de la chair du l’animal, relevée par la saveur douce de graisse et pimenté par l’acre et fort goût de l’ail. Qu’y a-t-il de plus délectable ? Le tout, bien évidemment, arrosé d’un bon Madiran…
Cette cuisse de canard confite, ou son manchon, entre le plus souvent dans la garbure, emblème de notre cuisine. Une soupe ou tout un repas, selon. Un mélange de légumes du jardin, pommes de terre, haricots de maïs, choux, carottes... dans le bouillon desquels les morceaux de viande, jambonneau, cou de canard ou coustous, selon les recettes, donnent couleurs et surtout ce goût inimitable. À alterner avec l’inévitable « poule au pot » que le bon Henri IV voulut mettre dans toutes nos assiettes
Si les goûts du Béarn se déploient particulièrement bien dans les petites auberges qui jalonnent les plaines et vallées, ils prennent une saveur particulière lors des fêtes. Le pèle-porc, en est le vivant exemple, voisins et amis venant chacun avec sa recette, secrète bien sûr, de saucisson, de boudin et de toutes autres cochonnailles. Le tout se finissant par un repas pantagruélique.
Nous n’aurons garde d’oublier le fromage de brebis. Il finit un repas, comme il peut se déguster en casse-croute, avec ou sans un verre de Jurançon, doux ou sec, selon les goûts.
Vous voulez des mets plus raffinés ? La truite ou le saumon, fruits de nos gaves ; la palombe en salmis ; le gibier, chevreuil ou sanglier… Et, les foies gras, bien sûr, nature, à la figue ou par exemple au Jurançon. Mais, nous avons gardé pour la fin l’escalope de foie de canard frais revenu à la poêle avec un Jurançon « vendanges tardives ». De quoi donner à nos papilles leur compte de délices.
Alors, n’hésitons pas dégustons notre cuisine faite de saveurs et de bonne humeur ! Vous hésitez ? Enfin, c’est bien connu, le confit ce n’est pas gras !
Christian Garrabos
Le Béarn est une caresse.
Christian Garrabos
Le toucher ?… Le toucher, ce sens délaissé tellement il est utilisé à chaque instant, et parfois même pour des tâches peu agréables, que l’on oublie souvent les sensations qu’il peut nous apporter… Le toucher, c’est ce sens qui nous permet d’apprécier le douillet d’une texture, la chaleur d’un contact, la suavité d’un effleurement. Le toucher c’est la main, mais aussi le pied, ou notre visage, tout notre épiderme, tout notre corps.
Le Béarn propose une multitude d’occasions de s’essayer au toucher. Ainsi, le Béarn est vif, comme ses gaves qui dévalent la montagne, déversant une eau fraiche et bienfaisante. Enlevez vos chaussures de marche et trempez vos pieds échauffés, le premier instant de saisissement passé, appréciez l’écoulement, le frôlement de l’eau sur votre peau. Posez vos pieds sur ces galets sur lesquels l’eau danse. Et surtout, imprégnez-vous de leur patine, de leur fermeté, de leur bombé, car le Béarn est rond.
Rond comme les galets du gave, des galets polis par les multiples frictions du temps et des éléments. Des galets que vous prenez de la main pour jouer aux ricochets sur un lac, ou les blottir dans une poche avant de les poser sur une étagère. Mais aussi, ces galets indestructibles, associés à la pierre, qui furent assemblés par la main de nos artisans pour faire nos maisons béarnaises, le lavoir ou la fontaine qui trône à l’ombre de l’église du village, les bastides qui parsèment le pays et tous nos monuments qui portent l’empreinte la plus palpable des hommes qui les ont édifiés.
Le Béarn est dessiné. Cette main de l’homme industrieux nous la retrouvons dans nos paysages. Nos paysages ont été façonnés du soc et de la main. La vigne, le maïs, les pâturages qui les ornent sont les fruits d’un travail séculaire et de traditions qui se sont poursuivies. Cette main qui continue à élaborer mille et une textures, du fromage aux pêches roussannes, de la laine aux gâteaux à la broche, du boudin aux bérets…
Goûtez à cela et laissez vous aller, vous dis-je, et ressentez. Laissez tout votre être se faire câliner par le moelleux de l’air, si calmant chez nous qu’il en devient sédatif. Laissez-vous bercer, envelopper par lui. Ouvrez votre visage, vos mains, votre corps entier à cette câlinerie. Laissez-vous partir comme dans un bain, un bain dans ces eaux chaudes qui jaillissent aux quatre coins de nos vallées. De ces eaux qui façonnent le bien-être.
Alors, vous saurez indubitablement que le Béarn est une caresse.
Les visages du silence
Christian Garrabos
En venant en Béarn, après avoir quitté le monstre vrombissant qui vous a amené jusqu’ici, laissez-le loin de vous et ouvrez grand vos oreilles. Ici, point de trompette, ni de violoncelle, nous vous invitons à écouter la musique du silence.
Que ce soit en plaine, dans les champs de maïs de Sault-de-Navailles ; sur les coteaux, ou dans les vignes de Béarn ; en montagne, ou même en ville, vous pouvez savourer diverses partitions de ce silence en Béarn majeur. Cependant, écoutez bien, car si la musique est belle, vous ne la percevez que toute en douceur. Mobilisez votre attention, le concert en vaut la peine !
Attention, vous n’allez pas entendre un silence de mort, mais le silence profond de la nature. Chut !.... Écoutez tous ces chuchotements de vie.
Dès l’aube, un boqueteau et merles, mésanges, pinsons et autres passereaux se répondent l’un l’autre, dans des concours de trilles toujours plus éblouissants. Plus loin, dans la journée, dans la touffeur de l’été, alors que la chaleur pèse sur tous, le vrombissement des insectes jouant à on ne sait quel jeu, surnage à la pesanteur de l’air. De temps à autre, le meuglement mou d’une vache répond à un pitoyable aboiement lointain.
Plus haut, sur le sommet du coteau, le bruissement des herbes caressées par la brise ascendante répond au frémissement des feuilles des chênes et châtaigniers qui vous entourent.
Mais, le silence le plus profond, le plus suave, s’écoute en montagne. Dès les premiers contreforts passés, lorsque la vallée s’évase, les sons cristallins des sonnailles vous accueillent, gaiment, paisiblement… Montez un peu plus, au plus fort du crissement de vos pas sur les graviers du chemin, un cri strident déchire le ciel. Un rapace passe au ras de la pente, dans le frou-frou de l’air vibrant dans ses plumes. Un peu plus loin, ce petit sifflement en forme de « Hep, venez me voir jeune homme ! » La marmotte pousse son cri d’alerte envers l’intrus que vous êtes. Arrêtez-vous ; repartez ; quelques mètres plus loin, ce petit sifflement reviendra à vos oreilles. Ne cherchez pas à voir, tout le monde est caché dans les profondeurs d’un pierrier ou sous un entrelacs de souches.
Nous avons gardé pour la fin les trémolos des gaves, alternant murmures et vacarmes. Savourez-en les différentes harmonies, tout cela sur ce fond de sérénité et de plénitude qu’est le silence.
Les quiatre autres textes sont à venir.
Bonnes vacances...
mardi 2 août 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire