mercredi 16 décembre 2020

Conte de Noël...

Il y a dix ans j'avais fait la proposition d'écriture suivante : Ecrire la rencontre du Père Noël et du père fouettard sur un parking ; l'un d'humeur bougonne, l'autre, très jovial ; l'un tenant une otarie en laisse et l'autre monté sur un chasse-neige... Voilà ce que cela avait donné : Conte d’après Noël Christian Garrabos, Bizanos, le 18 décembre 2010 Lescar, Centre commercial Quartier Libre, 6 heures du matin. Le parking est désert, un vent d’ouest frais souffle, brassant quelques volutes de pluie fine. Tout à coup, venant de Carrefour, un chasse-neige rouge débouche, vrombissant. Il s’arrête. Un homme descend de l’engin prestement, affublé d’une curieuse combinaison rouge, rutilante. Il fait le tour de son véhicule. Le regarde d’un air ravi. Il donne un coup de pied dans un pneu, puis dans le suivant et ainsi de suite. Une intense satisfaction se lit dans ses yeux brillants. Tout à coup. - Onk, onk, onk ! L’homme se retourne surpris. Intrigué, il s’approche du coin sombre d’où vient le bruit. Une otarie, tenant dans sa gueule une sébile, s’approche de lui, battant des ailes. - Quelle est cette plaisanterie ? tonne la longue barbe blanche. - Ferme là, je dors ! répond une voix venue d’une forme grise recroquevillée dans un coin abrité du vent. L’homme dresse l’oreille. - Mais, mais, je connais cette voix ! reprend la barbe. - Ta boite, le Père Noël !... Ouais, c’est moi, le Père Fouettard ! - Le Père Fouettard ! Mais, que fais-tu là, vieux martinet ? - J’fais la manche pardi ! T’as pas vu mon otarie ? T’es miraud ou quoi ? - Mendier avec une otarie, quelle idée ! - Bien mieux qu’un chien ou qu’aut’chose ! Et puis, Valentine, j’me marre avec elle ! - Enfin, faire la manche, toi, le spécialiste de la fessée. Pas possible !! - Plus d’boulot ! L’enfant roi, c’est ta pomme qui en profite. Regarde-toi, cousu d’or ! Joujou par-ci, joujou par là ! Pour moi plus rien. On n’châtie plus ! On discute, on explique. Il faut que l’enfant comprenne. Comme s’ils ne comprenaient pas avec une bonne taloche ! - Ne t’énerve pas comme çà, tu deviens tout rouge. Ce n’est pas bon dans ton état, vieille badine ! Fouettard se lève. Gesticulant, mimant les gestes. - Regarde, avant, d’un seul mouvement, j’mettais le gamin sur mon genou. J’le déculottais, et hop, la torgnole ! Là, j’suis tout rouillé. Un faux mouvement, il risquerait de s’échapper et moi de me blesser. Des années de savoir-faire qui se perdent ! - C’est pourtant vrai ! murmura à part le Père Noël. - Mais, toi, l’encapuchonné, qu’est-ce que tu fous ici avec ce char d’assaut ? C’est pas ta caisse habituelle ! - Je me diversifie. Tu sais, je suis un spécialiste de la neige. Alors, je vais dans le nord, là-bas c’est le foutoir. L’impuissance publique est dans la panade. Je vais donner un coup de main. Le Père Fouettard était tout perplexe. - Ah, ouais… Et ça rapporte, ça ? - C’est pas pour « l’impassible » ou « le petit agité », ni pour les services de l’équipement. Non, eux ils découvrent la neige, on dirait ! Ils font des réunions et lancent des missions d’études. On aura les conclusions cet été. - J’parie que ce sont ces petits vauriens de l’ENA qui font ça ! Ceux-là, j’ai jamais pu les toucher, même pas une petite claque ! - Tu l’as dit, Fouettard, et d’ici l’hiver prochain, ils se rendront compte que l’étude faite était pour l’an dernier et que les conclusions ne sont plus valable pour le futur. - Des p’tits génies, j’leur en foutrais moi ! - Réfléchis, la flagelle, y’a du boulot pour toi ! À part, le Père Noël se dit : « Tiens, elle est bonne celle-là, voilà que je me mets à parler comme lui !... Qu’est-ce que ça veut dire ? » Le Père Fouettard, se redressa doucement. Ses yeux se mirent à briller. Il murmura, moitié pour Noël, moitié pour lui : - Ma foi, t’n’as pas tort. Faudrait que j’m’intéresse aux adultes. J’avais pas pensé. Y’a du boulot à la pèle ! Il se rajusta. Tira sur la laisse de l’otarie. - Allez, princesse, on y va ! Il était redevenu un autre homme.