Senteurs du Béarn
Christian Garrabos
En remontant dans sa mémoire jusque dans l’enfance, l’odeur du foin, sèche et fleurie, constitue un des plus délicieux souvenirs olfactifs d’un béarnais. Une multitude d’images apparaissent. La faucheuse qui passe et repasse dégageant à chaque fois le parfum d’herbe coupée. Puis, la faneuse qui soulève dans l’air chaud les premiers relents de l’odeur du foin, juste avant « les foins » eux-mêmes. C’est l’été, le début de l’été et des vacances, des rires et des roulades dans cette herbe toute craquante et aromatique, douce et irritante et qui fait éternuer. C’est aussi les sauterelles que l’on attrape de la main et qui laissent cette petite trace orange sur la peau qu’elles essaient vainement d’entamer.
Aux foins succèdent le regain et de nouvelles occasions de faire la fête. La fête, on aime la faire en Béarn ! Toute occasion convient pour ouvrir une bonne bouteille de Jurançon et faire tourner ce divin liquide dans le verre. Le vin scintille de mille teintes chaudes. Le nez vient alors cueillir ces fragrances ambrées, moelleuses et ensoleillées.
Avec le soleil, la neige fond sur les sommets, il s’agit alors de « suivre l’herbe ». La tradition millénaire se renouvelle vallée après vallée, à Lourdios, en Aspe, au mois de juin, ou à Laruns, en Ossau, au mois de juillet. La route est parfois longue pour les troupeaux. Dans le pas tout mesuré et solennel des vaches, dans la joyeuse pagaille des brebis ou la fougue impétueuse de chevaux, l’air se parfume de multiples exhalaisons. La très savoureuse et rassurante odeur d’étable de la vache, l’aigre du suint de brebis, le parfum discret et musqué du cheval ou celui en forme de fromage de chèvre de la bique.
Toutes ces senteurs se retrouvent dans le parfum du grand vent des alpages, près d’une bergerie, dans un saloir... ou sur notre assiette de fromages.
Les odeurs emplissent aussi les temples d’un autre culte béarnais, le rugby ! Dans ces stades, plus que tout, ce sont les relents de ventrèche et de saucisses grillées qui dominent. Une odeur un peu grasse, mais ô combien goûteuse, réchauffant l’âme des supporters dans la bise de la saison froide, tout autant que le vin chaud, prélude aux fumets de la garbure qui mijote sur le feu en attendant le retour des courageux.
Ainsi se boucle la farandole des saisons, dans le fumet de l’immense cheminée dans laquelle brule le chêne faisant griller les châtaignes dégustées à la saveur du bourret, en attendant que l’herbe repousse !
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Aujourd'hui vous trouverez sur les Journaux "La République" et "l'Eclair", le sixième sens : le sens de l'équilibre ! Et bientôt sur ce même site...
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